François Bûchamor
Alfred Assollant – 1873Alfred Assollant propose avec François Bûchamor un panorama des guerres menées des lendemains de la Révolution à la chute de Napoléon Ier, à travers le récit qu’en fait le grand‐père qu’est aujourd’hui François Bûchamor à ses petits‐enfants.
Fils aîné d’une famille de paysans de la commune de Néoux, François Bûchamor, pour son honneur et sans doute plus encore pour l’honneur de son nom, s’engage dans les armées révolutionnaires plutôt que de se marier à celle qu’il aime et de laisser son frère puîné, Jean, engagé volontaire, partir seul. Plus tard, le frère cadet, Toinet, rejoint aussi les drapeaux. Leur sœur Goton, seule fille de la famille, reste seule à Néoux, s’occupant des terres familiales.
L’honneur… Un siècle et demi et quelques guerres plus tard, rien n’a vraiment changé comme le montre Georges Magnane dans Gerbe baude :
— J’aime encore mieux y avoir été, répéta Jean, toujours avec la même lenteur. Oui, j’aime mieux y avoir été jusqu’au bout.
[…] Jean avait dit les paroles qu’ils attendaient. Non, ils ne pouvaient pas faire moins que d’aller à la guerre s’il y avait une guerre, eux : leur paix intérieure, beaucoup plus précieuse que le confort et que les plaisirs de ceux de la ville, valait bien que l’on risquât sa vie pour elle. Ils représentaient la robuste vérité de tous les jours ; ils ne devaient mériter aucun reproche, ils ne pouvaient accepter aucun doute quant à leurs pleins droits à être assis là, tous ensemble […]
Georges Magnane, Gerbe baude, Maiade éditions, 2014, p.133.
François Bûchamor est de toutes les batailles ; Alfred Assollant nous fait parcourir la France et l’Europe au gré des quatre parties de son roman : « Valmy », « Zurich », « Iéna » et « Campagne de France (1814)». Contrairement à son frère Jean, puis à Toinet, qui gagnent très vite leurs galons et ne cessent de gravir les grades militaires, François Bûchamor, illettré, n’occupe guère de grandes responsabilités ; mais il sera le seul, finalement, à conserver une certaine probité, une certaine humilité et à regagner Néoux et la maison familiale.
Mais avec le temps, l’enthousiasme faiblit, une sourde réprobation monte du fond de la France, et l’humour du héros‐narrateur fait progressivement place à une amère raillerie, transformant l’hymne à la révolution en une violente satire du régime napoléonien.
Éditions Garnier, 4e de couverture
Jean et moi...
Jean et moi nous montâmes dans la tribune. C’est là qu’on mettait les jeunes gens à cause de l’escalier en bois qui n’avait plus que sept ou huit marches, le reste étant usé et pourri par le temps. Je me suis laissé dire que cet escalier avait été construit il y a plus de dix‐sept cents ans, en même temps que l’église, par le bienheureux saint Martial, premier évêque de Limoges. Mais que ce fût saint Martial ou un autre, les marches étaient si éloignées qu…
Quand tout le monde...
Quand tout le monde fut assis, on regarda le dîner que la vieille Françoise, la servante de M. le maire, avait mis sur la table. Et vraiment, ce dîner valait la peine d’être regardé.
D’abord, il était à trois services, car M. Jean‐Baptiste n’était pas de ceux qui font les choses à moitié. Quand il invitait ses amis à dîner, on pouvait boire et manger pendant huit jours sans débrider.
Ce jour‐là, voilà ce qu’il nous donna :
D’abord, une bonne soupe de…
Enfin, on se leva...
Enfin, on se leva de table […]
Il était déjà sept heures du soir et M. Jean‐Baptiste avait fait poser dans la cour trente ou quarante draps de lit pour faire une tente et garantir les danseurs de la pluie qui commençait à tomber. En même temps, il avait fait poser, à cinq pas l’un de l’autre, plus de cinquante tonneaux vides sur lesquels on voyait des chandelles allumées ; de sorte que jamais, depuis que le monde est monde, on n’avait vu pareille illu…