La Tour Zizim
Avec cette nouvelle, Élie Berthet s’attache aux derniers instants que passe Zizim dans la « tour étroite et sans air » qu’on lui a construit à Bourganeuf « pour lui servir de prison ». En effet, l’ordre de Saint‐Jean de Compostelle a accepté de s’en « défaire » au profit du pape Innocent VIII. Si sa captivité est évoquée, Élie Berthet insiste davantage sur les conditions même de son départ et sur la nécessaire intervention de Philippine‐Hélène de Sassenage avec qui Zizim semble avoir partagé une passion amoureuse lors de son passage au château de la Bâtie en Royans.
Élie Berthet nous fait ainsi pénétrer dans la tour, qu’un ingénieux éclairage transforme, pour ses voisins, en une espèce de monstre, de démon ; le premier étage de la tour qu’occupe Zizim est, selon l’auteur, richement décoré ; cependant, il n’est pas question de La Dame à la licorne, ensemble de tapisseries qu’évoque George Sand à plusieurs reprises.
Cette tour est, selon l’auteur, l’un des deux ouvrages historiques du Limousin qui ne risque guère de disparaître et encore moins de s’effacer des mémoires malgré la modernité « vandale » :
Dans cette vieille province du Limousin, où la féodalité nobiliaire et monacale avait jeté autrefois de si profondes racines, il y a bien des édifices en ruines, bien des abbayes, des manoirs gothiques dont les souvenirs, enfermés dans un cercle étroit, sont destinés peut‐être à finir avec eux.
[…]
Parmi ces vénérables restes du passé qui semblent, dans le Limousin, destinés à périr, il en est deux du moins qui, à couvert sous de grands noms historiques, survivront à leur propre chute dans la mémoire des hommes. Deux tours, jetées à chaque extrémité de la province, n’ont rien à craindre du vandalisme moderne ; on pourra les effacer de la surface du sol, mais leur souvenir surgira au‐dessus des terrassements et des constructions nouvelles. L’une, toute lézardée et rongée de lierre, est cette antique tour de Châlus au pied de laquelle vint mourir Richard Cœur‐de‐Lion, le champion redouté des croisades, le héros de tant de légendes populaires en Europe et en Asie. L’autre, perdue dans les collines vertes de la Marche ; au seuil de l’Auvergne, encore fière et debout malgré les siècles, est la tour de Zizim, à Bourganeuf, cette somptueuse prison où les chevaliers de Rhodes gardèrent si longtemps le frère proscrit de Bajazet.