Lettres parisiennes
Delphine de Girardin – 1843Delphine de Girardin, sous le pseudonyme de Vicomte Charles de Launay (sous différentes formes), publie dans le journal La Presse, fondé par son mari, des chroniques, par la suite publiées sous le titre de Lettres parisiennes en 1843.
Dans l’une de ces Lettres parisiennes, datée du 24 novembre 1838, Delphine de Girardin regrette son retour à Paris et son séjour de plusieurs mois à Bourganeuf, où son mari, député de la Creuse pour l’arrondissement de Bourganeuf notamment de 1834 à 1839, possède une propriété, le domaine du Verger.
Que Paris semble laid après un an d’absence ! Oh ! que c’est triste une ville de plaisir ! Quand on revient d’un grand voyage, quand on a longtemps respiré l’air pur, l’air embaumé des montagnes, comme on étouffe dans ces corridors sombres, étroits, humides, que vous voulez bien appeler les rues de Paris ! On se croirait dans une ville souterraine, tant l’atmosphère est pesante, tant l’obscurité est profonde. […]
Qui nous rendra ces doux moments ? Quand reverrons‐nous nos montagnes ? car nous avons le droit de dire nos montagnes, une partie de ce charmant pays est à nous. Vrai, nous sommes très riche là‐bas. Nous y possédons, non pas une terre, fi donc ! mais cent arpents, au moins, de rochers admirables ! de purs rochers, des pics sublimes que nulle végétation vulgaire ne profane ; des pierres sacrées que la charrue a respectées, que les Druides, sculpteurs étranges, ont seuls touchées. Voilà une retraite sauvage et poétique.
Là, point d’eau dormante...
Là, point d’eau dormante et verdâtre qu’enferme la maçonnerie d’un bassin, point de jet d’eau périodique qu’on n’abandonne à sa furie que le premier dimanche du mois, mais un torrent que rien n’arrête, qui traverse un village et l’emmène, se chargeant lui‐même de transporter tous les meubles, les buffets, les tables, les chaises, comme une voiture de déménagement. Aimable torrent, les gens du pays qui possèdent des terres, des champs de blé, t’accusent ; il…
N’allez pas croire...
N’allez pas croire que tout le reste du pays soit aride comme notre poétique vallée. Il y a là de belles prairies, des champs cultivés. Du sommet de nos rochers déserts, on aperçoit de riants paysages. À notre droite, la ville de Bourganeuf élève ses brunes tourelles, et son vieux donjon, où le frère de Bajazet, Zizim, fut enfermé ; à gauche, la roche de Mazurat perce la nue et fait briller au soleil ses cailloux de cristal ; le Thorion, large ruisseau que n…
Que de belles promenades...
Que de belles promenades nous avons faites dans ces campagnes ! que de fois les flots du Thorion ont réfléchi l’étrange image de notre coursier ! Nous disons coursier, le nom de cheval ne lui conviendrait en aucune sorte. C’était un quadrupède de race et forme sans noms, dont l’allure de fantaisie était pleine d’originalité. Ce compagnon de voyage n’était pas digne de nous sans doute, il n’avait en apparence rien d’élégant ; aussi était‐ce pour nous moins une…