Puis, çà et là des troupeaux paissaient, la dent sur l’herbe, en des pacages maigres rayés de minces canaux aux luisants d’acier. Plus haut, aux approches des sommets, sur des pentes mamelonnées, des vapeurs s’exhalaient des prés et des ruisseaux, elles flottaient en écharpes bleuâtres sur la pourpre des bruyères mortes.

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A la faveur d’une éclaircie nous nous acheminons vers la vieille église du pays, humide et sombre. Puis, gravissant une colline, nous errons à travers les ruines de l’antique château de Saint‐Merd. Dans les pacages, au milieu des brumes, se meuvent confusément des fantômes ; ce sont les bergers recouverts de la cape de laine blanche filée par les femmes dans les veillées d’hiver et tissées sur la plateau. La région est si froide, si venteuse, le sol si misérable, le bois si rare, que les habitants des fermes et les bergers se réunissent pour veiller dans les écuries réchauffées par le bétail.

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Après cette visite au château ruiné, nous fuyons le plateau de Millevache [sic] sous un ciel bas et lourd, par un vent froid, à travers un paysage monotone fait d’une succession de mamelons dénudés couverts de bruyères mortes et d’ajoncs épineux.

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Et quels drames traversent à tout instant le ciel ! Poursuites farouches, étreintes des nuées qui roulent d’un bord à l’autre de l’horizon et retombent de toutes parts déchirées, pantelantes.

Gaston Vuillier, « Chez les magiciens et les sorciers de la Corrèze », Le Tour du monde, n° 43, 28 octobre 1899.

Gaston Vuillier nous présente le plateau de Millevaches, dont le sommet le plus haut, le mont Bessou, culmine à 976m d’altitude et où la Creuse, la Vienne, la Vézère et la Corrèze prennent leur source. Gaston Vuillier nous en donne ici la vision impressionnante d’une lande désertique, balayée par le vent.