L’Aiguille creuse
Maurice Leblanc – 1909Publiée en feuilleton dans Je sais tout du 15 novembre 1908 au 15 mai 1909, puis en un recueil dès 1909, L’Aiguille creuse constitue l’un des volumes majeurs de la série des « Arsène Lupin ». Mélange des genres parfaitement maîtrisé, L’Aiguille creuse mêle mélodrame, roman d’aventure, roman historique, roman populaire… et donne à voir un Arsène Lupin bien loin du gentleman‐cambrioleur, mais plutôt la pire des crapules, se livrant, à la tête d’une bande bien organisée, au trafic d’art, au vol de deux cadavres, à de multiples enlèvements, à des « empoisonnements»…
L’Aiguille creuse voit « s’affronter », entre Normandie, Creuse et Paris, Arsène Lupin, donc, et Isidore Beautrelet, élève de rhétorique au lycée Janson‐de‐Sailly. Si Arsène Lupin avait pu jusque là se jouer aisément de tous ses adversaires, allant même jusqu’à ridiculiser le fameux Herlock Sholmès, copie transparente de Sherlock Holmes, héros né sous la plume de Conan Doyle, il ne peut que difficilement se jouer de son jeune opposant, allant même jusqu’à user de menaces, enlevant son père…
Il s’agit d’un fait, d’un fait certain, indiscutable. Celui‐ci : depuis dix ans, je ne me suis pas encore heurté à un adversaire de votre force ; avec Ganimard, avec Herlock Sholmès, j’ai joué comme avec des enfants. Avec vous, je suis obligé de me défendre, je dirai plus, de reculer. Oui, à l’heure présente, vous et moi, nous savons très bien que je dois me considérer comme le vaincu. Isidore Beautrelet l’emporte sur Arsène Lupin. Mes plans sont bouleversés. Ce que j’ai tâché de laisser dans l’ombre, vous l’avez mis en pleine lumière. Vous me gênez, vous me barrez le chemin. Eh bien ! j’en ai assez…
Maurice Leblanc, L’Aiguille creuse, La Bibliothèque électronique du Québec, p.160.
C’est cet enlèvement et par conséquent la recherche de son père qui conduit le jeune Isidore Beautrelet dans le Bas‐Berry et la Creuse.
Crozant et Fresselines apparaissent dans les chapitres V et VI de L’Aiguille creuse, exactement au centre du roman. Le lycéen‐détective Isidore Beautrelet, à la recherche de son père enlevé par Lupin, a quitté Paris pour l’Indre, passe par Châteauroux, La Châtre et Argenton, et, au bout de sa quête, atteint la Creuse. Son déguisement en peintre anglais, probablement un bon moyen de passer inaperçu dans la région, est révélateur de la notoriété de celle‐ci comme site « pleinairiste » à l’époque. Ce personnage de peintre anglais n’est pas sans faire penser à Wynford Dewhurst qui a peint aussi bien en Normandie vers Dieppe qu’à Crozant de 1895 à 1910.
Christian Dussot
Le père Charel...
Le père Charel ne pouvait parler ? Soit. Mais on pouvait connaître du moins la foire où le bonhomme s’était rendu, et la route logique qu’il avait prise pour en revenir. Et, le long de cette route, peut‐être enfin serait‐il possible de trouver…
Isidore, qui d’ailleurs n’avait fréquenté la masure du père Charel qu’avec les plus grandes précautions, et de façon à ne pas donner l’éveil, Isidore décida de n’y point retourner. S’étant renseigné, il apprit que…
Tous trois...
Tous trois, les uns derrière les autres, ils montaient et descendaient les pentes raides du pays, et ils arrivèrent à Crozant. Là, le père Charel fit une halte d’une heure. Puis il descendit vers la rivière et traversa le pont. Mais il se passa alors un fait qui surprit Beautrelet. L’individu ne franchit pas la rivière. Il regarda le bonhomme s’éloigner et quand il l’eut perdu de vue il s’engagea dans un sentier qui le conduisit en pleins champs. Que faire…