Siegfried et le Limousin
Jean Giraudoux – 1922Au début des années 1920, Jean — narrateur dont la vie et les souvenirs sont très proches, voire identiques, à ceux de l’auteur lui‐même — est intrigué par les similitudes entre certains articles allemands signés Siegfried Von Kleist et ceux écrits par son ancien ami Jacques Forestier, tenu pour mort à la guerre. Il décide alors de se rendre à Munich pour rencontrer Siegfried qui se révèle bien être son vieil ami devenu amnésique à la suite d’une blessure de guerre. Pris pour un Allemand, Siegfried a été recueilli sur le front et est devenu une personnalité politique de renom.
Sans dévoiler son identité, Jean entreprend de rendre la mémoire à son ami en devenant son professeur de français.
Je retirai ma main aussi vite que je le pus, comme si c’était à elle qu’il allait se reconnaître, et je me plaçai à contre‐jour, dans la crainte que ma vue n’agît trop brusquement, mais c’était une crainte vaine. Tout droit, chargé de son passé à lui, de son triomphe au baccalauréat à Poitiers, de sa sœur écrasée à Boussac, de sa patrie Limoges, de notre promenade à Dampierre sur un char à bancs à coussins tigrés, de son désespoir le jour de rentrée au lycée Lakanal où il s’était assis avec son complet blanc dans l’encrier, je restais à ses yeux le fils d’une dame de Montréal, baigné dans le Saint‐Laurent, frotté dans la neige.
Jean Giraudoux, Siegfried et le Limousin, Le Livre de poche, 1991, p.110–111.
Siegfried finit par découvrir sa véritable identité et hésite alors entre son pays d’adoption et son pays d’origine.
Antoine Blondin trouve à résumer et brièvement analyser ce roman dans son compte rendu d’une étape du Tour de France 1960 passant à Bellac pour s’achever à Limoges, intitulée, fort à propos, « Siegfried revient en Limousin ».
Puis on cria...
Puis on cria le nom de la première gare limousine, et, soudain, ce département que j’avais quitté à deux ans et que je croyais ignorer me reçut comme son enfant. Mon père l’avait habité toute sa jeunesse, tous les noms propres que l’on prononçait chez moi avec amour et respect étaient pris dans les almanachs, les annuaires, les journaux de ce pays, et jamais noms n’avaient contenu pour moi plus de nostalgie et d’aventure que ceux qu’appelaient maintenant à…
Rédaction
REDACTION ET NOMENCLATURE : LA BAIGNEUSE DE BELLAC.
Tu affectas de plonger à ma vue, puis, reparaissant, tu fis les yeux de celle qui revient de grandes profondeurs, de la main tu époussetas sur la surface de l’eau quelques tâches ensoleillées comme une femme les traces sur son corsage de la poudre de riz et une ondine les écailles détachées d’elle. Mais tu n’étais pas une ondine. Tu tombais mal, car je connaissais la profondeur de chaque trou de la Bazin…
Solignac
Solignac a une chapelle et une cathédrale, un ossuaire et un cimetière, un ruisseau et un fleuve. Les baptêmes sont célébrés dans la chapelle, les morts dans la cathédrale, et les mariages à l’église de l’abbaye. C’est comme si les Solignacois avaient des lits différents pour naître, se marier et mourir. Le ruisseau s’appelle la Briance. De sa rive droite, car il a emprunté des hommes l’habitude de n’être pas gaucher, il a travaillé la vallée pendant des c…